Les oeuvres pour piano présentes sur cet enregistrement ont été composées entre 1945 et 2001 et suivent ainsi l'histoire de l'état d'Israël. Les compositeurs qui les ont écrites appartiennent à différentes générations. Ainsi Josef Tal, né en Pologne en 1910, a étudié la musique à Berlin avant de fuir le régime nazi en 1934. Installé dans ce qui deviendra Israël, il écrit les variations Cum mortuis in lingua mortua en 1945 alors qu'il porte encore son nom original : Josef Gruenthal. Le thème est emprunté aux Tableaux d'une exposition de Modest Moussorgski, où il apparait après Catacombe. Tal voit dans ce travail de variations un moyen d'élaborer et d'exprimer ses émotions face à la Shoah. Ecrite en 1988, Essay II fait partie d'un ensemble de 5 pièces écrites entre 1986 et 1998. Né Hermann Steinke à Saarbrücken en 1927, Tzvi Avni et sa famille ont émigré vers ce qui sera Israël en 1935. La mort du père survenue en 1936, empêcha le jeune garçon de suivre des études musicales, il dut subvenir aux besoins de la famille jusqu'à l'âge de 16 ans. Autodidacte, il attint un niveau universitaire et poursuivit une carrière de compositeur. Josef Tal et lui posèrent les bases de la vie musicale dans l'état d'Israël dès sa fondation. La Sonate Epitaph de Tzvi Avni a été commencée en 1973 soit un an après le décès de son épouse la chanteuse Pnina Avni, morte jeune d'un cancer. Son souvenir traverse l'oeuvre mêlé à des éléments issus de la culture hassidique. Le cycle pour piano Aus meinem Tagebuch (De mon journal) a été composé en 2001 et se base aussi sur le souvenir. On peut constater ici à quel point Avni est inspiré par les autres arts comme la peinture ou la littérature. Ainsi Night song of a flying octopus évoque la manière du peintre Joan Miro.

Né à Tel Aviv en 1973, Gil Shohat a fait ses études en Israël pour se perfectionner ensuite à Rome et à Manchester. Il représente ici la jeune génération chargée de faire la synthèse de traditions divergentes dans un climat de tension dû aux conflits armés qu'a connu l'état depuis sa fondation. Il a seize ans lorsqu'il compose les Three improvisations on painting qui ne sont pas des représentations des toiles des trois peintres choisis mais bien plutôt des extrapolations en lien avec celles-ci. The Kiss of Salome est tiré de la pièce éponyme d'Oscar Wilde dans laquelle la fille d'Hérodiade atteint l'extase en baisant les lèvres de Saint Jean-Baptiste qui vient d'être décapité. Le piano offre une vision fugitive de cette sensualité morbide et hautement érotisée qui tient à la fois de la musique française du début du 20ème siècle et des pièces pour piano de Scriabine. AG