Choc de Classica (juin 2014) -

Le 1er août 1914 mourrait Gabriel Dupont, l'un des derniers compositeurs romantiques français. En écoutant sa musique, on pense immanquablement à Ernest Chausson, à Henri Duparc et Gabriel Fauré. Comme eux, il a mis en musique des poèmes de Verlaine, Klingsor, Rimbaud, Verhaeren, Richepin, Musset, Leconte de Lisle. Mais c'est au piano qu'il a confié ses émotions intimes, celles que générait la maladie qui l'emporta à l'âge de 36 ans, dans les premiers jours de la Première Guerre Mondiale. Né à Caen en 1878, il fut élève de Jules Massenet et Charles-Marie Widor et Second prix de Rome en 1901, derrière André Caplet mais devant Maurice Ravel. Cette même année, lors de son service militaire, il contracte la tuberculose, ce qui l'oblige à quitter Paris pour composer, loin de la capitale. 'Journée de printemps' pour violon et piano date de cette époque où la vie qui semblait presqu'infinie se heurte aux limites imposées par la maladie.

Ainsi ses partitions pour piano deviennent les pages d'un journal intime où le compositeur consigne jour après jour les constats que lui suggère son état de santé. Rien de morbide cependant, une mélancolie, celle du bonheur perdu comme le laisse penser 'Les heures dolentes' et cette 'Mélancolie du Bonheur', l'une de ses plus belles pages pour piano. De ce recueil écrit entre 1903 et 1905, l'écrivain Romain Rolland écrira : " c'est le roman mélancolique, fiévreux et poétique d'un jeune artiste malade : c'est le petit univers qu'il voit de son lit, de sa chambre close, par les vitres de la fenêtre, dans le petit coin de jardin qui borde ses regards ; le poème éternel du jour et de la nuit, ... le drame silencieux de la maladie qui ronge le corps et qui obsède l'âme ".

En 1910, 'La maison dans les dunes', autre recueil de pièces pour piano traduit sa contemplation de la nature et de ce qui l'entoure, lui qui s'était déjà retranché du monde. Il aura encore le temps de terminer 'Le poème' pour piano et quatuor à cordes en 1911, sorte de concerto pour piano au caractère emporté avant de s'éteindre. Marie Catherine Girod transmet sa passion pour la musique de Dupont au Quatuor Prazak et nous offre un enregistrement de toute beauté.