À l'époque où Haydn, Mozart et Beethoven dominent la vie musicale viennoise, Johann Franz Xaver Sterkel (1750-1817) travaille comme pianiste et compositeur à la Cour de Mayence. Né à Wurtzbourg, Sterkel a pu développer ses talents musicaux grâce à l'aide d'un abbé qui le met en contact avec l'organiste de la cathédrale. En 1768, il reçoit les ordres inférieurs et un poste d'organiste, puis est ordonné prêtre en 1774.

C'est de cette époque que datent ses premières compositions : sonates pour piano, violon et violoncelle, airs et symphonies. À cette même époque il fait la connaissance du corniste virtuose Giovanni Punto, qui emporte quelques-unes de ses premières oeuvres à Paris. Ses huit symphonies y font un tabac dans la célèbre série du « Concert spirituel », elles sont jouées 52 fois et Sterkel devient ainsi le compositeur le plus joué à Paris entre 1777 et 1779. Son talent impressionne le prince-évêque d'Aschaffenbourg qui l'engage comme maître de clavier de la cour et vicaire. Lors d'un voyage en Italie, Sterkel rencontre Giovanni Battista Martini, le célèbre Padre Martini. En octobre 1782, il obtient le canonicat de l'église Notre-Dame à Mayence et peut se consacrer en toute sérénité à la composition. Il renforça en outre sa renommée en tant que pianiste par son intense activité de soliste et de chambriste. L'Électeur honora cet engagement en octobre 1784 avec une augmentation salariale.

Les oeuvres enregistrées ici datent de cette époque de sa vie. La Romance tirée du recueil de Six pièces pour le clavecin ou piano-forte Op. 24 parait en 1785. Même si le pianoforte, grâce à sa large palette sonore et à ses possibilités dynamiques bien plus étendues, était en passe de s'imposer parmi les instruments à clavier dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, ces éditions restaient destinées « au clavecin ou au pianoforte » ce qui élargissait le potentiel des ventes. Les indications de dynamique comme crescendo et diminuendo, cependant, désignent clairement l'instrument auquel ces pièces étaient destinées.

À cette époque, comme chez Mozart et Beethoven, les sonates étaient traditionnellement prévues pour l'instrument à clavier « accompagné d'un violon ». Néanmoins, dans cette littérature, la partie de violon est largement équivalente à celle de clavier en termes de virtuosité et de densité. La Grande Sonate pour Clavecin ou Piano-Forte avec un Violon obligé Op. 25 a été éditée en 1786 par Schott à Mayence. Le recueil des Six Sonates Op. 33, duquel est tirée la Sonate No. 1 en fa majeur enregistrée ici, est lui publié en 1792. Ce n'est qu'à la fin de sa vie que Sterkel voit la Fantaisie pour le Piano-Forte Op. 45 publiée à Bonn et à Cologne. La carrière de Sterkel se poursuit de manière très fructueuse : en 1792, il est nommé directeur de la musique de la cour et maître de chapelle à Mayence. Le 23 aout 1810, il prend les mêmes fonctions à la cour grand-ducale de Francfort et organise chaque semaine un concert en présence du grand-duc. A cela s'ajoutent ses fonctions de pédagogue.

A son décès en 1817, il laisse plus de 700 compositions, dont 400 chansons en allemand et en italien. Bien qu'il fut un compositeur et un interprète très apprécié de son vivant et peut être considéré comme un précurseur de Schubert dans le domaine du lied, il connait après sa mort le même sort que nombre de ses collègues : il tombe dans l'oubli. Le but évident de cet enregistrement est d'enfin faire connaître sa musique pleine de charme, d'inventivité et de finesse à un large public. Une belle découverte, bien servie par Meret Lüthi au violon et Els Biesemans au piano-forte. (d'après le livret)