"Apparemment, ces trois-là se sont trouvés. Ces trois là, ce sont d'un côté Karl Hyde et Rick Smith du groupe Underworld et Gabriel Yared. La rencontre du duo auteur du célèbre "Born Slippy" qui tatouait littéralement le film "Trainspotting" (...) et du compositeur maintes fois récompensés (il a notamment reçu un Oscar) et auteur entre autres du générique du JT de TF1, il aurait pu tourner au vinaigre... Oui mais le film "Breaking and Entering" dispose grâce à eux d'une bande son de toute beauté, servie par des climats crépusculaires, des cordes majestueuses et des textures électroniques à couper le souffle. "J'ai senti qu'un respect mutuel était né entre eux et qu'ils avaient un réel plaisir à collaborer" commente le réalisateur Anthony Minghella ("Le patient anglais", "Le talentueux M. Ripley", "Retour à Cold Mountain") après avoir vu les trois hommes travailler ensemble à Abbey Road. Point de mariage contre-nature de la carpe et du lapin ici, mais des compositions grandioses. Et en sus un vrai passage de témoin entre une génération habituée aux grands orchestres (Yared s'inscrit en droite ligne dans le sillage d'un Maurice Jarre) et la nouvelle, rompue au maniement des machines. Ici, les cordes perdent enfin le côté pompeux qui est trop souvent le lot des soundtracks hollywoodiens et anglo-saxons, et l'électronique se fait contemplative, nimbée de voix vocoderisées qui invitent à la méditation. Cette bande-son doit servir un film qui se déroule à Londres, dans le quartier de Kings Cross, zone dont la géographie est en pleine mutation puisqu'il est en rénovation (le personnage de Jude Law appartient d'ailleurs à l'une des sociétés chargée de cette rénovation). Plus qu'une musique descriptive, c'est l'introspection qui a été choisie. Et entre Yared et Underworld, personne ne cannibalise l'autre. Chacun apporte sa sensibilité, pour la confier à l'autre, et bénéficier de sa technique: les cordes de Yared sont passées par l'ordinateur, et y gagnent une modernité de bon aloi, tandis que les ambiances nées des machines d'Underworld, parfois rustaudes (le groupe a été rattaché au mouvement big beat) y gagnent en finesse. Si choc il y a ici, c'est donc un choc esthétique qui propulse l'oreille de l'auditeur dans une sorte de quatrième dimension délicieuse à explorer, où les ambiances sonores paradoxales sont proprement sidérantes. Même si vous ne payez pas votre billet pour aller vous asseoir dans une salle obscure pour voir "Breaking and Entering", vous allez vous faire votre film personnel grâce à ce disque." [www.m-la-music.net]