C'est avant tout une musique d'esthète, une stylisation sophistiquée de sons actuels, multifacettes. Une ligne qui s'affiche dès la photo symptomatique du livret : une boîte à outil, câbles, prises, transfos, jack, amplis, le petit matériel de transmetteur de sons et d'émotions electro. Le tout imbriqué comme les tuyaux et moteurs d'un coeur technoïde en stand-by. Comme un gros plan sur les neurones d'un artiste et ingénieur du son maniant l'art de connecter et court-circuiter les références musicales. L'art de faire passer le courant, de faire circuler les bonnes ondes. L'image est comme le blason d'un designer musical qui pense le son dans toutes ses composantes pour le profiler en langage sonore nouveau. Mayonnaise est considéré par les initiés comme un des concepteurs du " son " Anticon. Un label de traverse, déjà mythique, qui se pose en " futur du hip-hop ". Still Alive est le nouveau manifeste de DJ Mayonnaise. Il revient jongler avec les multiples échantillons de son ADN musical : jazz, funk, pop, folk, rock, electronica, dans un groove chaud-froid, réflexif, où le hip-hop rejoint le post-rock. Des tempi agités, secs et instables, graves et instables, graves et très enfouis, élégants et audacieux. Des boucles qui pillent l'encyclopédie des musiques populaires avec gourmandise. Ce qui offre des possibilités infinies de climats dont les différences, à l'intérieur d'une même plage, créent des heurts dynamiques, des cassures, des ouvertures inédites, des glissements de références jouissifs et des seconds degrés intrigants. Il y a une grande mobilité dans la stratégie des mixages, un peu genre " combat de rue " virtuel. Mayonnaise n'hésite pas à faire surgir la mélodie d'une clarinette, à composer avec des saxophones new-age ou légèrement free, à faire intervenir un harmonica très country... Son morceau le plus hip-hop est Strateegery avec K-The-I ???, sombre et viril, sur un étrange gimmick blues dérangé, répétitif, sous-jacent et quelques scratchs qui boostent le rythme cardiaque. Plus loin, une ode electro pop, Munjoy Moments, d'abord radieuse, puis de plus en plus frappée, bégaie joyeusement et se névrose jusqu'au point de non-retour. Le trip se prolonge avec Quiet on the Set, psychédélisme techno ressassé et mijoté aux amphétamines. La plage cachée : après 10 minutes de quasi-silence, juste un peu de ce grésillement aphone qui sourd comme du coton des enceintes éreintées, on débouche sur une 'Guitar Hero' de derrière les fagots, complètement pétée, se vautrant dans une sorte de hip-hop garage réjouissant. (ph)