Auteur, compositeur et chanteur, Alèmayèhu Eshèté a une des discographies les plus prolifiques d'Éthiopie. C'est le second album (le précédent était intitulé : "Éthiopiques 9 : Alèmayèhu Eshèté 1969-1974" - MK9916) qui lui est consacré dans la fabuleuse collection "Éthiopiques". Il se concentre sur sa production durant les deux dernières années du régime impérial, entre février 1972 et avril 1974.

Même si c'est la fin de l'âge d'or de la musique éthiopienne, on retrouve sur le CD toute l'euphorie, toute l'effervescence que connaissait alors le pays. Faut-il le rappeler ? C'était la grande période des orchestres officiels, les seuls qui pouvaient alors faire de la musique moderne. La rivalité qui les opposait tant et plus provoquait une productivité impressionnante. Le pays fut de tout temps et encore actuellement - l'interview avec Stéphanie Wessier est éloquente à ce sujet - fort patriotique, culturellement parlant également. Il était, et il est toujours, très mal vu de passer outre les convenances.

Mais à cette époque, certains musiciens, dont celui qui nous occupe ici, décident de s'ouvrir sur le monde, s'intéressent au rock and roll, à la soul, donnent un accent plutôt pop aux déchirantes mélopées éthiopiennes. Et ce, au grand dam de la génération précédente qui ne cessera d'être acerbe et violemment accusatrice face à ces jeunes félons. Cela ne veut pas dire pour autant que ces artistes n'avaient plus aucun respect pour la tradition, que du contraire! C'est ainsi qu'à côté de morceaux aux mélodies typiquement éthiopiennes, certaines plages distillent des rythmiques américaines pur jus. La batterie se fait blues ou ballade, la basse se laisse aller à quelques "walking" tout à fait standards et le tempo se décline dans un quatre temps on ne peut plus familier à nos oreilles. La voix aussi prend de temps en temps des inflexions et des modulations qui nous font bondir dans les inénarrables "sixties" américains et nous remémore certains classiques du genre.

Parallèlement, le charme éthiopien agit: accompagné de différents groupes, Alèmayèhu Eshèté enflamme de sa voix ces morceaux à la suavité incomparable, entouré notamment de cuivres, instruments qui ont grandement contribué au succès de cette musique. (ID)