Quatre ans après « Santa Milonga », Daniel Melingo nous revient avec un nouvel album de tango tout aussi drôle, barré et fou. Bohème de Buenos Aires, cet aventurier furieux, délirant, halluciné (dixit sa biographie officielle) n'en maîtrise pas moins l'art de la simplicité, avec ses ambiances de cabaret, ses mélodies directes et ses arrangements légers et vertigineux à la fois. Quand José Luis Borges écrivait "Le tango faisait ce qu'il voulait de nous", peut-être se doutait-il que près de 80 ans plus tard, ce serait toujours le cas. (CT)

"Il est des tangos comme des poètes maudits. Des tangos qui voguent à contre-courant des conventions du romantisme pour dresser le portrait des bas-fonds où cette musique vit le jour il y a un siècle. De sa voix grave et éraillée, Melingo chante avec tendresse les mésaventures d'un pickpocket, les souvenirs d'une prostituée, la légende d'un maquereau, et la beauté d'une ouvrière qui oublie sa journée de labeur dans la milonga. Poursuivant sa démarche entamée depuis une décennie, l'ex-rockeur argentin prolonge et fait sienne une tradition de poètes et paroliers du lunfardo, l'argot des taulards et des faubourgs de Buenos Aires. Des auteurs -Enrique Cadícamo, célèbre pour ses vers chantés par Gardel, Celedonio Flores, Carlos de la Púa, Dante A. Linyera et Luis Alposta- dont le verbe rebelle se confond à des destins souvent tragiques et incarne l'univers qu'il dépeint. S'il nous transporte aux origines du " tango-canción ", le talent de Melingo consiste à produire une oeuvre originale à partir de textes inédits portés par un équilibre de sonorités classiques et alternatives. Identifiable entre toutes, sa voix d'outre-tombe, souvent proche du parlé et comme rythmée par le souffle de sa respiration, joue à merveille des contrastes avec les choeurs et les chanteurs invités -Cristóbal Repetto et Vicentico, des Fabulosos Cadillacs. Sur l'orchestration épurée d'un quartet typique qui valorise les timbres du violon et du bandonéon, se greffe au fil des morceaux une gamme d'instruments, de la clarinette à la guitare électrique en passant par la scie musicale, qui enveloppe ces mélodies dans une atmosphère envoûtante et projette avec un naturel déconcertant une estéthique psychédélique. Entre ivresse et méditation, ce parcours atteint son climax sur les fusions " Cha Digo ! " et " Pequeño paria", avant de redescendre en compagnie du chant des petits oiseaux sur la jam-session finale, " Eco il Mondo ". Un coup de maître, qui tutoie le tragique sans tomber dans le grandiloquent." (Yannis Ruel, www.mondomix.com)