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RARA IN HAITI. STREET MUSIC OF HAITI

  • Ref. MF2081
  • SOUL JAZZ RECORDS, 2010.

Rara, musique de rue de Haïti, assez anarchique et brute. Chansons accompagnées de percussions et de trompes faites de longs tubes en plastique ou en métal. Livret en anglais. Présenté avec le livre "Kanaval. Vodou, politics and revolution on the streets of Haïti". (ASDS)

Publié sur le label Souljazz, Rara in Haïti est un disque accompagné d'un livre de photographies de Leah Gordon. Le livre et le CD sont dédiés au carnaval de Jacmel, une ville côtière au sud d'Haïti, Que la photographe a documenté pendant près de 15 ans. Il s'agit d'un carnaval assez particulier, moins officiel que celui de la capitale Port-au -Prince, moins élégant ou gracieux, mais en revanche plus libre, plus créatif.  On y voit différentes bandes costumées parcourir les rues, sans obéir à un cortège organisé ; ce n'est pas une parade telle qu'on la connait ailleurs mais un défilé anarchique de masques indépendants. Accompagnés par la musique des Rara bands et des twobadous, et de leurs ensembles hétéroclites de percussions en bambou, en métal recyclé, chacun des groupes développe son propre caractère, empreint d'une forme personnelle de surréalisme organique, basé sur des métaphores poétiques, et non sur une recherche glamour à la brésilienne. Contrairement à ce qu'on peut voir à Rio ou à la Nouvelle-Orléans, le carnaval de Jacmel est criard, grotesque, on cherche à surprendre, à faire peur. En mettant l'accent sur les costumes et leurs histoires, et non sur la parade, il redonne au masque et à celui qui le porte son pouvoir, sa force, plutôt que d'en faire un spectacle à observer passivement.

S'il trouve ses sources dans le carnaval médiéval européen, le carnaval haïtien a développé ses propres thèmes, qui vont de l'histoire du pays au vaudou, en passant par des thèmes d'actualité comme la corruption des autorités. Il évoque les premiers habitants de l'île, les indiens Taino, oblitérés par les premiers conquistadores espagnols, ou encore les révoltes d'esclaves et de fugitifs marrons qui ont provoqué la révolution de 1804, premier exemple au monde de décolonisation qui a fait d'Haïti la première république noire indépendante d'Amérique latine. Mais il aborde également des événements plus récents comme l'occupation américaine ou la dictature des Duvaliers. Certains personnages ont une très vieille histoire remontant parfois jusqu'à l'occupation française, d'autres sont des réinventions plus récentes, ou des innovations contemporaines.

Le carnaval est lié aux sociétés secrètes politico-religieuses, transposées d'Afriques aux Caraïbes par l'esclavage, les Bizango, Zobop, Vinbinding ou Sampwel qui ont maintenu vivantes les traditions africaines et ont contribuées aux soulèvements d'esclaves qui ont amené à la révolution. Ces sociétés font le lien entre les coutumes et religions africaines et la situation actuelle, postcoloniale, à travers les aménagements et accommodations que la population noire a inventé pour survivre à la domination blanche sans y laisser son âme. Dans le carnaval, c'est un mélange de ce syncrétisme et un humour ravageur qui est à l'oeuvre. Les costumes et les masques oscillent entre le sérieux de la tradition et la farce, le Grand-Guignol, dans un jeu entre travestis et masculinité (le carnaval est quasi exclusivement constitué d'hommes), invoquant vaudou et renversement de l'ordre hiérarchique, jouant des procédés de permutation, de l'inversion des rôles, des statuts, voire de l' inversion des races où les noirs s'emparent du maquillage « blackface » que portaient autrefois les blancs, et se font plus noirs que noirs en se couvrant le corps et le visage de mélasse et de charbon pilé.

Les personnages du carnaval de Jacmel sont en perpétuelle évolution. Certains sont anciens et évoque l'histoire comme l'Endyen (l'Indien), ou le Chaloska (inspiré de Charles Oscar, gouverneur militaire de sinistre renommée), les Lance kod (les lanceur de cordes, représentant les esclaves révoltés),ou la mythologie comme les Zel Mathurin (les Ailes Mathurin, démons ailés combattus par St-Michel) le Jwif eran (le juif errant), Madam Lasiren (madame la sirène). Quelques-uns sont des grotesques ou des animaux : le Krapo (le crapaud), le Makak (le singe), d'autres proviennent du Vaudou : Papa Gede, le Bawon Samdi (le Baron Samedi), le Houngan (le prêtre vaudou), le Jab (le diable). Au fil du temps se sont ajoutés à ces groupes traditionnels des figures plus contemporaines comme Papa Sida, l'Avocat, le Maitre coquin, ou le Greffier. Tous ces costumes sont bricolés, souvent dans des matériaux de récupération mais les porteurs de masque, habités par leur costume, compensent la modestie des matières par la sincérité de leur transe. Carnaval pauvre mais vibrant, le carnaval de Jacmel est tourné vers l'intérieur, vers les habitants, vers les participants et non les spectateurs. C'est une fête, une revendication, une autocélébration, à la fois très codée et très libertaire, de l'esprit de révolte du peuple haïtien.

Benoit Deuxant

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