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DISINTEGRATION LOOPS (BOX SET)
William BASINSKI

  • Ref. XB176V
  • TEMPORARY RESIDENCE LIMITED CO, 2013. Enregistrement 1982-2013.

Depuis leur première publication en 2002, les neuf pièces rassemblées sous le titre de Disintegration loops sont un objet de fascination, une oeuvre qui se raconte autant qu'elle ne s'écoute, tant l'histoire de sa création est inséparable de son contenu artistique. Cette histoire a été racontée et re-racontée à l'envie, mais est capitale pour comprendre l'attrait étrange de ces quelques heures de musique. Un jour de 2001, William Basinski décide de transférer sur support digital quelques boucles de musique, enregistrées sur bande magnétique près de vingt ans auparavant, afin de les préserver et de les réutiliser. Au cours de l'opération, qui devait normalement prendre quelques minutes, il s'est rendu compte que ces boucles, après quelques passages, commençaient à s'effriter, à s'auto-détruire, et que la musique qu'elles contenaient se désagrégeait progressivement elle aussi, et était en train de s'évanouir définitivement. À mesure que la poussière métallique des bandes s'accumulait sur le sol, les taches de silence se multipliaient jusqu'à ne laisser de la mélodie originale que des fragments voilés, de plus en plus lointains, de plus en plus espacés, semblant s'enfoncer irrémédiablement dans le brouillard de leur propre désintégration. Basinski a poursuivi le processus, le prolongeant jusqu'à disparition complète des bandes originales, tirant de ces quelques secondes presque anodines des heures d'une musique majestueuse, quasi solennelle. L'histoire ne sera complète que lorsqu'il trouvera, dans les attentats du 11 septembre de cette même année, la destination de cette plainte mélancolique, qui deviendra pour lui une élégie funèbre commémorant l'événement.

En filmant compulsivement, comme beaucoup de new-yorkais, la scène inimaginable qui se déroulait sous ses yeux, une ville noyée dans la fumée de l'incendie, vision de fin du monde, une ville en flamme, écho de cataclysmes démesurés qui font l'histoire, la prise de Constantinople, le tremblement de terre de Lisbonne, le " great fire " de Londres, Tchernobyl, il fit dans son esprit le rapprochement symbolique avec sa découverte sonore. Quelque chose se dissolvait sous ses yeux, qui ne serait plus jamais pareil. Les enregistrements et leur histoire feront tout d'abord le tour des proches de Basinski, partagés comme un témoignage personnel, entre intimes, avant d'être enfin publiés en 2002. Quelques années plus tard, ces Disintegration loops sont devenus un symbole, une métaphore de la perte, de la disparition inévitable, de la fin inexorable de l'homme, qu'elle soit envisagée au niveau de chaque individu ou à la mesure d'une civilisation entière. Ils sont devenus un memento mori, un rappel de la fragilité et de la fatalité de la vie, et ainsi une affirmation de celle-ci. Non plus seulement une rumination maussade sur la mort, mais une réévaluation de la vie, de son importance en regard de ses limites. De même que la musique d'autres artistes - comme Asher, Jim Haynes, Bellows, ou The Caretaker - travaillant sur la détérioration du son, ou de son support, par des moyens naturels ou artificiels, en laissant faire le temps ou en forçant les choses, le caractère poignant de ces pièces provient en partie de cette comparaison entre la désintégration d'un matériau paradoxalement inventé et manufacturé pour éviter cette disparition, pour lutter contre la fatalité, et notre propre réflexe de nous débattre, de refuser de nous soumettre à l'irrévocable.

Il y a un sentiment de panique, un coup au coeur, de voir disparaitre ainsi ce qu'on pensait préservé pour de bon, pour longtemps sinon à tout jamais, et de voir ainsi la réalité se réimposer dans toute sa cruauté. Mais ce rappel peut être salutaire et projeter un éclairage nouveau sur l'existence et la nécessité d'en tirer le meilleur avant sa disparition. Pour beaucoup, jouer avec cette désagrégation, c'est transgresser le tabou de la bienséance qui impose le silence sur cette fin qui nous guette, sur le temps qui oeuvre contre nous, c'est reprendre en main son destin avec un air de défi, ou l'examiner avec une lucidité sereine. L'autre élément important, tout aussi capital que cette métaphore du fatum de m'existence, est la répétition, l'usage de la boucle se reproduisant inlassablement, mais sans jamais toutefois réellement sonner de la même manière. Effet de transe, désorientation, hypnose, associées à l'angoisse tranquille de la catastrophe programmée, inlassable répétition de ce qui ne sera jamais pareil, réitération obstinée, chaque fois plus approximative, oublieuse, mémoire qui s'efface, s'estompe.

Quelques années plus tard, les Disintegration Loops seront présentés à la biennale de Venise en version live, réarrangés et interprétés par un orchestre - une idée que je trouve personnellement repoussante. Si le résultat est honnête, et l'interprétation impeccable, cette version hôte tout son sens à l'oeuvre, en lui ajoutant un niveau de lecture supplémentaire inutile et néfaste à la simple beauté de l'objet trouvé. Les loops, et leur texture, leur matérialité, reproduits tant bien que mal par des notes et des silences, perdent quasi toute leur signification, et leur fascination. Ils deviennent des artefacts post-modernes, trop conscient de leur pouvoir de séduction que pour ne pas en abuser cyniquement ou trop confiants dans leur bon droit que pour ne pas désenchanter l'auditeur à force d'orgueil. Version exsangue, aux allures de cérémonie officielle, elle noie la douleur dans sa propre représentation. (Benoit Deuxant)

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Écouter les extraits

Interprètes

Pistes

Disque 1

  • 1 Dlp 1.1
  • 2 Dlp 2.2

Disque 2

  • 1 Dlp 2.2
  • 2 Dlp 3

Disque 3

  • 1 Dlp 4
  • 2 Dlp 5

Disque 4

  • 1 Dlp 6
  • 2 Dlp 1.2
  • 3 Dlp 1.3

Disque 5

  • 1 DLP 1.1 live at the Metropolitan ofof Art (September 11, 2011)
  • 2 Dlp 1.1 live at the 54th Venice Biennale October 18, 2008
  • 3 Dlp 1.1 (September 11, 2011)