Comment un album aussi sautillant a t'il pu naître de circonstances pareilles ? Pour les non-anglophones, qui se laissent tout d'abord impressionner par le glamour apparent et l'entrain indéniable de ces quelque douze morceaux, il faut un temps pour comprendre ce que nous racontent Kevin Barnes et ses acolytes. Derrière le glitter et le khôl des chansons se déroulent de sombres histoires de rupture, de rejet, de vengeance. Et Dieu qu'il en a gros sur le coeur, au point de rêver dans un premier temps suivre l'exemple des groupes de dark metal de Norvège ( où il habite) et de " brûler deux ou trois églises " ( sur " A Sentence Of Sorts In Kongsvinger " ) ou de trouver refuge dans la religion, mais laquelle ? "Toutes les églises sont remplies de minables, de tordus ou de paumés" (" all the churches are filled with losers, sickos or confused " sur " Grondlandic Edit ".) Album post-largage, album de déprime post-séparation, Hissing Fauna est pourtant l'antithèse de ce qu'on attend de ce genre d'oeuvre de circonstances. Loin de fermer ses volets, de scotcher sa boîte aux lettres et d'arracher la prise de son téléphone, la réponse de Barnes serait plutôt la virée nocturne jusqu'à plus soif. Jamais divorce n'aura autant donné envie de danser, de chanter, et généralement de sauter sur place, frénétiquement. On est frappé immédiatement par le nouvel élargissement de la palette musicale du groupe. C'est à croire que chaque album est l'occasion d'intégrer un style de plus dans la boîte à outil déjà fort bien remplie d'Of Montréal. Ici encore, le groupe parvient à ajouter encore quelques éléments de plus, à peine effleurés dans ses précédentes productions, quelques emprunts au funk, au disco, voire à l'eurobeat, bref à tout ce qui de près ou de loin est censé donner envie de danser sur les tables. Non que ce qui faisait la personnalité du groupe en ait été grandement changé. La voix, les voix même, de Kevin Barnes sont toujours bien présentes, mais là où elles constituaient une polyphonie pop et sautillante, se déroule à présent une autre histoire. On pourrait penser un instant ( et à tort ) qu'à l'instar de la mode, le groupe a abandonné les références sixties et seventies pour se lancer à corps perdu dans le revival eighties, mais la question semble ici plus compliquée. Il s'agirait pour Of Montréal non pas de troquer ses mélodies imparablement naïves contre de rutilants synthétiseurs, mais de conjuguer les deux, le glamour en plastic du néo-eighties et l'innocence béate de leurs précédents albums. Ceci fait de " Hissing Fauna... " un album haut en couleur, chaque époque invoquée (60's, 70's, 80's, 90's..) ajoutant sa couche de brillant, son clinquant et son allant à ces sombres histoires de rupture. Qu'elle soit de regrets, de vengeance ("There's a girl that left me bitter, I want to pay some other girl to just walk up to her and hit her" sur "She's a Rejector") ou de reproches ( " now i see the way you operate/ if you don't hurt me then you die " sur " A Sentence Of Sorts In Kongsvinger "), chaque chanson est une potion anti-dépressive, plus proche des drogues récréatives que du prozac. Histoire de montrer qu'il y a toujours une boule disco au bout du tunnel. (bd)