L'arrivée dans notre paysage sonore du folk psychédélique finlandais fut une des très bonnes surprises de ces dix dernières années. Emmenée par des groupes comme KEMIALLISET YSTÄVÄT, KIILA ou PAAVOHARJU, et défendue par des labels comme Fonal en Finlande ou K-RAA-k³ chez nous, cette nouvelle scène nous fit découvrir une véritable fourmilière, débordante d'activité, et rencontrer une vingtaine de musiciens composant entre eux une bonne vingtaine de groupes à formation permutantes, et de projets solos. C'est ici déjà le troisième album pour Islaja, projet solo de Merja Kokkonen, également musicienne et vocaliste pour deux ou trois autres formations, dont Hertta Lussu Ässä, un supergroupe free folk avec Lau Nau et Kuupuu. Trois années à peine se sont écoulées depuis son premier album Meritie, sorti chez Fonal en 2004, et déjà on serait tenté de parler d'album de la maturité, si ce n'était pas terminer un peu vite la carrière de la demoiselle. Il y a pourtant dans ce nouvel album une assurance qui tranche quelque peu avec la fragilité qui faisait le charme de ses deux prédécesseurs. Qu'on se rassure, cela ne signifie pas qu' " Ulual yyy" soit plus poli, plus lisse, bien au contraire. Mais là où les chansons folk délicates des albums précédents reposaient sur des bribes de sons et des boucles d'instrumentation organique, reconstituant une Finlande imaginaire, on semble ici progressivement sortir de la forêt, et passer à autre chose. Le changement ne vient pas seulement de la découverte de l'électricité, même si l'instrumentation de cet album (piano Fender Rhodes, synthetiseurs et guitares électriques) y a bien plus recours qu'auparavant, mais dans le ton et la charge émotionnelle qu'il véhicule. " Ulual yyy " est une histoire bien plus tourmentée que par le passé, aux mélodies désolées traversées d'éclats de saxophones et de violons désaccordés. On plonge cette fois plus profond dans le spleen de Merja Kokkonen, et ses rêveries mélancoliques ont pris un aplomb qui lui permet de se risquer à un plus grand dépouillement que par le passé. Là où les deux précédents albums étaient remplis d'une foule de sons, tissant une tapisserie touffue derrière laquelle se cachait la voix d'Islaja, on a aujourd'hui une chanteuse calmement assurée qu'on compare de plus en plus, à assez juste titre, à Nico, ce qui n'est quand même pas peu dire. (bd)