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VOLK
LAIBACH

  • Ref. XL042A
  • MUTE RECORDS, 2006. Enregistrement 2005-2006.

Cela aurait pu sembler une idée idiote, paraître comme un signe de faiblesse, la marque révélatrice d'une chute de régime, d'un flop de l'inspiration. " Laibach joue les Hymnes nationaux. " On croit rêver, pourquoi pas les Quatre Saisons ou les cinq éléments. Et puis, petit à petit, le projet fait sens, et devient l'évidence même. Laibach a toujours été un projet politique, un projet critique, des premières heures du groupe, interdit par le régime yougoslave de l'époque, à ses mises en scènes grandiloquentes, énormes parodies exploitant le flou entre l'imagerie nazie et l'imagerie communiste, et plus tard le positionnement face à l'Otan et sa nouvelle idéologie. Quatorze pays, et quatorze hymnes sont ici " repris " soit par le biais de leur musique, soit de leur texte. C'est l'occasion pour chacun de devenir un commentaire géopolitique sur la notion concernée, où l'on voit que Laibach n'a rien perdu de son mordant, ni de sa pertinence.

Le choix des pays est bien évidemment dicté par l'actualité, et la puissance réelle ou affective de chacun : L'Allemagne, les Etats-Unis, l'Angleterre, la Russie, La France, L'Italie, L'Espagne, Israël, la Turquie, la Chine, le Japon, le Slovénie, le Vatican et la NSK ( l'état personnel et fictionnel de la Neue Slovenische Kunst, institution " parapluie " qui préside aux activités de Laibach ainsi que d'autres formations artistiques similaires). Il serait fastidieux de décrire chacun minutieusement, d'autant que comme toujours chez Laibach, " le diable est dans les détails. " Des détails sonores, petits ajouts ici et là qui détournent le propos, ou le recentrent. Des variations, petites ou grandes, par rapport à l'hymne original, qui en font un commentaire souvent acerbe de la nation que celui-ci était sensé représenter et glorifier. Le principe de l'album est simple, le groupe Silence, formation electro-pop slovène se charge de la base de la reprise, celle qui est la plus proche de la lettre de l'hymne, et Laibach introduit la variance, sur base du texte avant tout, en ajoutant à quelques-uns des morceaux un couplet ou deux de plus, doublage déviant du texte original. Il ne s'agit bien évidemment pas pour Laibach de se commettre à l'opposition frontale, ni à quoi que ce soit d'aussi peu subtil.

Ce sont des Cyniques, au sens premier, philosophique, du terme, et leur éclairage en forme de provocation se doit de passer par l'ironie, la demi-teinte, voire l'ambiguïté (" do you still believe you're ruling the world ? " demandent-il à l'Angleterre, ou " Praise the Lord ... to save us from YOUR justice and liberty " sur America). Une réputation d'ironie, ou de pure perversion, qui fait chercher dans les pièces les plus proches de la simple reprise (Chine ou Japon, par exemple) à comprendre où se trouve la blague, la chute de l'histoire. Une marque de fabrique qui pousse l'auditeur intrigué à analyser chaque mot du texte ou du livret afin d'en saisir la faille, celle qui mène à la véritable signification du morceau et à la véritable intention du groupe. Car si la légende du " groupe nazi " est aujourd'hui moins vivace, Laibach reste un concept problématique. Trop européen pour être gentiment " balkanique ", trop en marge pour être simplement de gauche ou de ou de droite, Laibach réactive le concept du non-alignement, et comme leur compatriote Slavoj Zizek, se livrent à une série de commentaires " inactuels ", c'est à dire contre l'air du temps.

L'on conseille à la France, par exemple, de se pencher sur le cas de ses rebelles, jeunes maniant la barre de fer et le cocktail molotov (" listen to the rebels, it's never too late "), allusion aux diverses émeutes dans le pays, et remise en question des idéaux républicains de la Marseillaise. Israël est représenté par un hymne à deux têtes, le Hatikvah (hymne national de l'état d'Israël) et le Biladi (hymne national de l'état de Palestine), qui s'entremêlent pour ne former plus qu'un. L'Angleterre, dont l'hymne s'ouvre sur une version concertante, un peu élisabethaine, un peu victorienne, du " God save the Queen ", joué sur fond d'une garden-party qu'on imagine snobissime, s'entend dire ses quatre vérités. Elle est vilipendée pour son arrogance, sa morgue et ses illusions d'ancienne puissance impériale : " do you still think you're supérior ? ". L'Allemagne se voit, comparativement, bien traitée, et est gentiment tapée sur l'épaule, pour avoir, après avoir commis l'impensable, réussit à se remettre sur le droit chemin, non plus de l'unité d' "une terre des ancêtres ", mais de la justice et de la liberté (sic). Comme un enfant à qui on pardonne, et que l'on met devant ses responsabilités : " It is the lesson you have to learn, now and in the future. Do you think you can make it, Deutschland? "

Tout au long de l'album, paradoxalement, alors qu'ils s'attaquent à des morceaux si chargé de ferveur et de virilité belliqueuse, Laibach évite les rythmes martiaux et les réflexes post-industriels qui caractérisaient jusqu'ici sa musique. L'ensemble est quasiment pop, foisonnant, mais aussi sérieux, contrôlé. Pas de débordement, mais des arrangements quasi luxueux, allant de la technopop la plus efficace à des envolées lyriques " over the top " (vaticana). Un disque pervers, donc, qui pourrait finir par vous faire aimer ces morceaux, sorti de leur contexte nationaliste et guerrier. Craignez donc de vous retrouver à fredonner un Kimi Ga Yo ou un Star Spangled Banner hors des (fort rares) circonstances appropriées. (bd)

Interprètes

Pistes

  • 1 Germania
  • 2 America
  • 3 Anglia
  • 4 Rossiya
  • 5 Francia
  • 6 Italia
  • 7 España
  • 8 Yisra el
  • 9 Türkiye
  • 10 Zhonghuá
  • 11 Nippon
  • 12 Slovania
  • 13 Vaticanae
  • 14 NSK