Aux côtés de Le Havre en Normandie, la Meuse de Liège a été choisie par deux artistes sonores comme source d'investigation pour leur projet sur la musicalité propre aux Zones portuaires d'Europe. Voici la ville de Liège, sonore, comme vous ne la soupçonnez pas. Une interprétation musicale concrète fondée sur une panoplie de bruits quotidiens de notre cité ardente et ce qui reste de ses sursauts industriels. Un profond mixage qui relève d'un choix et d'une déambulation, micro en main, dans notre zone fluviale pleine d'artifices. Des lieux précis, inhospitaliers où des hommes s'activent et n'imaginent pas que des musiciens s'intéressent à leurs manipulations. Fin de l'été 2010, Eric La Casa et Cédric Peyronnet enregistraient sans relâche dans les zones turbulentes, parfois dangereuses, armés de casques et d'autorisations obtenues auprès des patrons d'usines, mais aussi, librement sur les rives du fleuve, témoin canalisé aux remugles bien encadrés. La Meuse passe comme une bande magnétique et s'en va déverser ses souvenirs de Liège dans la Mer du Nord. Ausculter les trachées d'une vielle péniche creuse abandonnée, déambuler dans les usines de recyclage de nos déchets où les ouvriers s'exténuent, capter les sons de ce qui reste de la métallurgie liégeoise, les masses impressionnantes, les souffles et les fluides générés par ce monde de science-fiction. Ce qui est à priori non musical devient au contraire un cinéma sonore d'une belle envergure, le déploiement quasi orchestral de mondes proches insoupçonnés. Et notre oreille se retrouve embarquée au-delà des territoires reconnaissables, sur un terrain où l'écologie sonore (nos rapports avec les sons de nos sociétés) tient lieu de tremplin pour notre imaginaire. Une poésie s'active sans recours aux mots, juste fondée sur les images sonores. Il est amusant de constater comment Peyronnet et La Casa actionnent différemment les zones sensibles de notre cerveau L'un plus extraverti, contrasté, en phase, l'autre plus rêveur, parfois ailleurs, ouvre une fenêtre sur les éléments naturels qui n'ont pas totalement déserté les lieux. (Pco)

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