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Pointculture_cms | critique

ELECTRONIC & ACOUSTIC WORKS 1957-1972

publié le

Lorsqu’en 1952 Vladimir Ussachevsky inaugure, par un premier concert public, le Columbia Electronic Music Center à New York, il est loin d’imaginer l’ampleur mondiale des recherches auxquelles il participe. Que ce soit en France, en Allemagne, en […]

 

Lorsqu’en 1952 Vladimir Ussachevsky inaugure, par un premier concert public, le Columbia Electronic Music Center à New York, il est loin d’imaginer l’ampleur mondiale des recherches auxquelles il participe. Que ce soit en France, en Allemagne, en Italie, au Japon, un certain nombre de musiciens décident d’explorer des voies nouvelles et de détourner les récentes découvertes techniques d’enregistrement du son.

 

ussachevsky

 

Les débuts de l’électroacoustique semblent obstinément associés aux noms de Pierre Schaeffer et Pierre Henry, lesquels, à la fin des années 40, s’emploient à explorer, sous la dénomination poétique mais partielle de « musique concrète », les multiples facettes du son, enregistré puis retravaillé de diverses manières. Ils opèrent un double affranchissement: celui de la musique d’avec l’intrumentarium classique (déjà préfiguré par le bruitisme chez les futuristes italiens), et plus loin celui de l’objet sonore d’avec la musique. Cela grésille, chuinte, crache, souffle ou clignote – s’agit-il encore de musique, ou, plus exactement, de sa possibilité ? Les sources sonores sont infinies: instrumentales, naturelles, accidentelles, microphoniques. C’est justement à ces dernières que s’intéresse, aux États-Unis, Ussachevsky.

 

Né en 1911 en Mandchourie, Vladimir Ussachevsky s’exile, avec sa famille, de la Russie communiste dans les années trente, pour trouver refuge en Californie. Le jeune homme étudie la musique classique et passe un doctorat en composition. Pendant la guerre, grâce à sa maîtrise du chinois et du russe, il intègre les services secrets américains. Plus tard, il reprend son activité d’enseignant et accède à la prestigieuse fonction de professeur à l’université de Columbia. Avec trois fois rien, un équipement réduit à un enregistreur, un microphone et des écouteurs, il fonde le premier studio américain de musique expérimentale (par la suite, chaque université aura le sien).

 

Moins centré sur la capture du son que la musique concrète, le travail d’Ussachevsky porte sur la manipulation des bandes magnétiques. Résonances, découpages, inversions, frottements, assemblages: la nature première du son se désintègre. Transmuer le concret en abstrait, voici ce qu’il se propose de faire, posant les jalons de la future musique électronique. À cette échelle, il faut encore défricher, occuper, meubler, conjointement définir et créer. Sans disparaître – certains compositeurs lui restent attachés – la musique orchestrale, traditionnelle, subit néanmoins une forte démobilisation, à mesure que les expérimentateurs ouvrent des brèches dans l’écoute, élargissent le territoire sonore, stimulent de nouvelles perceptions. Mais leur travail reste tributaire d’une constante évolution technique: production de sons purement électroniques ou manipulation d’enregistrements constituent les deux pôles du développement ultérieur de la musique électroacoustique, pouvant bien sûr être associés.

 

L’approche expérimentale d’Ussachevsky et de ses contemporains plus encore que la révolution sérielle des décennies précédentes, bouleverse l’art de la composition. À commencer par l’abandon de la notation musicale. Partant de l’inutilité de la partition, l’enregistrement est désormais l’unique trace de la performance. Il n’y a plus de notes, de sons purs, de mélodies à proprement parler, mais un travail sur la matière brute, pleine, dans l’épaisseur. En conséquence, l’image du compositeur évolue qui, abandonnant la gestuelle éloquente du maestro, offre un spectacle insolite face à ses imposantes machines. Pour autant, Ussachevsky ne renonce pas entièrement à un ordre plus traditionnel. Mais les deux pièces classiquement religieuses (ou religieusement classiques) figurant, à titre d’exemple, sur ce disque, sont de moindre intérêt comparées aux œuvres expérimentales. Car « Metamorphosis », « Linear Contrast », « Of Wood and Brass », aux titres si poétiques, plus que signaux d’une époque et amorces d’un renouveau, suffisent à convaincre de la profondeur et du potentiel musical du monde sonore, dont l’harmonie n’est qu’une infime partie.

 

Catherine De Poortere

 

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